Un véhicule présent sur les lieux d’un accident, dès lors qu’il contribue à sa réalisation, doit être considéré comme impliqué et ce, même en l’absence de choc (Cass. Civ. 2ème 18 avril 2019)

Dans un arrêt du 18 avril 2019 (lien ici), la Cour de cassation rappelle que la preuve de la participation d’un véhicule terrestre à moteur à la réalisation d’un accident de la circulation, même lorsque son rôle n’est pas essentiel, suffit à justifier de son implication et ce, conformément aux dispositions de l’article 1er de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 tendant à l’amélioration de la situation des victimes d’accident de la circulation et à l’accélération des procédures d’indemnisation (dite loi BADINTER).

Si, en jurisprudence, la question de l’implication ne fait plus débat en cas de chocs entre véhicules (lesquels entraînent nécessairement l’implication dans l’accident des véhicules concernés), l’appréhension de la notion d’implication pose difficulté en l’absence de contact.

La Cour de cassation a une interprétation extensive de la notion d’implication : tout véhicule présent sur les lieux d’un accident qui aura concouru, ne serait-ce qu’en partie, au dommage survenu, doit être considéré comme impliqué et ce, même s‘il n’y a eu aucun heurt.

En d’autres termes, pour exclure toute implication, il semble nécessaire pour le défendeur de prouver que la présence de son véhicule sur les lieux d’un accident aura été totalement étrangère à sa survenance, ce qui peut s’avérer en pratique très compliqué.

Dans le cas d’espèce, un motocycliste a perdu le contrôle de son engin tandis qu’il dépassait un tracteur, en opération de fauchage des bas-côtés d’une voie de circulation départementale en se déplaçant à vitesse réduite.

Un accident de la route s’en est suivi.

La question qui se posait à la Cour de cassation était de savoir si la seule présence de ce tracteur sur les lieux de l’accident suffisait à caractériser ou non son implication, alors qu’il n’avait joué aucun rôle direct dans sa survenance, se bornant à être dépassé par le motocycliste, qui avait lui-même perdu le contrôle de son engin.

Aux termes de la décision rendue le 18 avril 2019, la Cour de cassation, retient que la présence du tracteur, circulant à allure très réduite et empiétant sur la voie de circulation, a contraint le motocycliste à la manoeuvre de dépassement et que dans ces conditions ce tracteur s’est trouvé impliqué dans l’accident.

En jugeant ainsi, la Cour de cassation a confirmé l’arrêt de la Cour d’appel de LIMOGES, rendu lui-même sur renvoi après cassation (ce qui souligne toute l’âpreté des débats en la matière) contre le Département du Territoire de Belfort et son assureur, désignant un médecin expert judiciaire tout en allouant une provision sur indemnisation à la victime.

Le Département du Territoire de Belfort et son assureur soutenaient pourtant que le tracteur n’avait eu aucun rôle dans la réalisation de l’accident puisque « la seule présence d’un véhicule sur les lieux d’un accident de la circulation ne suffit pas à caractériser son implication dans ledit accident ».

Il est à noter que la Haute Juridiction admet régulièrement l’implication de véhicules dans des accidents en dépit de l’absence de tout contact. Il en est ainsi d’une espèce où sur une autoroute, un automobiliste A s’était rabattu prématurément devant un autre qui, pour l’éviter, s’était trouvé contraint de changer de file brusquement, heurtant alors un autre véhicule. Le véhicule A a été jugé impliqué. (Civ. 2eme, 14 janvier 2016, n° 15-11108 – lien ici).

Inversement (mais plus rarement), l’implication a pu être écartée. Par exemple, pour un véhicule de police dans le cadre d’une course-poursuite après une moto, laquelle avait fini par percuter mortellement un piéton, le véhicule de police se trouvant selon les juges trop loin des lieux de l’accident pour avoir pu jouer un rôle dans sa réalisation (et ayant par ailleurs abandonné la poursuite au moment du choc mortel). (Civ. 2eme, 28 juin 2017, n° 16-84196 – lien ici).

Dans notre affaire, les juges, fidèles à leur position de principe, ont estimé que sans la présence du tracteur, le conducteur n’aurait pas été contraint d’effectuer une manœuvre de dépassement, laquelle a été l’élément déclencheur de l’accident. Le tracteur a donc contribué, même sans heurt, à la survenance de l’accident, ce qui justifie la reconnaissance de son implication.

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