Un propriétaire doit indemniser les préjudices d’un « squatteur » qui a chuté en raison d’un garde-corps défaillant dans le logement « squatté » (Cass. Civ. 2ème 15 septembre 2022)

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Par un arrêt rendu le 15 septembre 2022 (lien ici), la Cour de cassation confirme la condamnation d’un propriétaire à indemniser le préjudice d’une « locataire » (se maintenant dans les lieux illégalement depuis deux ans) après sa chute d’une fenêtre.

1) Quels sont les faits et le parcours procédural de cette affaire ?

Dans un premier temps, la « locataire » était bien bénéficiaire d’un contrat de bail (réglementé par la Loi du 06 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs).

Mais à la suite d’un jugement rendu à la demande du propriétaire, l’expulsion de la locataire avait été ordonnée.

La « locataire » avait décidé de se maintenir dans les lieux, sans droit ni titre et, deux années après cette décision, elle a fait une chute depuis la fenêtre de la cuisine de l’appartement ; le garde-corps s’étant décroché.

Elle a décidé d’engager la responsabilité du propriétaire de l’appartement pour obtenir l’indemnisation de ses préjudices.

La « locataire » a obtenu gain de cause en première instance (devant le Tribunal de grande instance devenu Tribunal judiciaire), devant la Cour d’appel et également devant la Cour de cassation.

2) Quels étaient les arguments du propriétaire pour s’opposer à une condamnation ?

Assez naturellement, le propriétaire de l’appartement faisait valoir que la « locataire » se maintenait dans les lieux sans droit ni titre puisqu’un jugement avait précédemment confirmé qu’elle devait quitter les lieux.

Le propriétaire estimait donc que la « locataire » avait commis une faute de nature à exclure ou réduire son droit à indemnisation.

3) Quelle est l’incidence de la faute de la victime ?

En droit de la responsabilité, il est constant que tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer (principe résultant de l’article 1242 du Code civil, anciennement article 1382).

Néanmoins, la faute de la victime est de nature à entraîner une exonération totale ou partielle de la responsabilité encourue par l’auteur d’un fait dommageable si cette faute a joué un rôle causal dans la réalisation du dommage.

En d’autres termes, le comportement de la victime, qui commet une faute, peut entraîner une réduction, voire une suppression, de son droit à indemnisation.

4) Pourquoi les juridictions se prononçant dans cette affaire ont-elles toutes retenu que la responsabilité du propriétaire devait être engagée ?

Les Juges ont successivement considéré que l’accident corporel subi par la « locataire » résultait d’un défaut d’entretien de l’immeuble.

C’est en effet la rupture du garde-corps de la fenêtre de la cuisine, imputable à un défaut d’entretien incombant au propriétaire, qui est la cause de l’accident.

Le fait que la « locataire » se soit maintenue dans les lieux alors que son expulsion avait été ordonnée n’a pas été pris en compte.

Pour les magistrats, ce n’est pas la présence illégitime de la « locataire » qui est à l’origine de sa chute mais le mauvais état du garde-corps.

5) Quelle leçon peut-on tirer de cette décision ?

Une telle position des Juges peut paraître très sévère, surtout au regard du contexte actuel et des multiples faits de « squatt » relayés ces derniers mois par les médias.

Les propriétaires doivent impérativement continuer d’entretenir leur bien immobilier même si leurs locataires se maintiennent après un congés, après une expulsion et même si les loyers ne sont pas payés.

Il convient néanmoins de prendre en considération le fait que dans le cas soumis à la Cour de cassation, la « locataire » était entrée de façon régulière dans l’appartement : elle avait, au départ, un contrat de bail régulier et son occupation est devenue illicite après un jugement rendu par le Tribunal d’instance (devenu le Juge du contentieux de la protection).

 

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