Dans trois arrêts distincts, la deuxième chambre civile, les 30 mai 2024 (lien ici) et 20 juin 2024 (lien ici), et la chambre criminelle de la Cour de cassation, le 18 juin 2024 (lien ici), ont rappelé les règles relatives à l’offre d’indemnisation que doit formuler l’assureur aux victimes d’accidents de la route.
1) Qu’est-ce qu’une offre d’indemnisation ?
La Loi du 05 juillet 1985 dite « Loi Badinter », qui organise le régime d’indemnisation des victimes d’accidents de la circulation, prévoit en son article 12, que l’assureur qui garantit la responsabilité civile du fait d’un véhicule terrestre à moteur est tenu de présenter une offre d’indemnisation à la victime.
L’offre correspond donc à la proposition d’indemnisation qui est adressée à la victime après la survenance de l’accident corporel qu’elle a subi.
Les conditions dans lesquelles cette offre doit obligatoirement être présentée à la victime sont très encadrées et leur non-respect est sanctionné par les juridictions.
2) Dans quels délais cette offre doit être présentée ?
L’offre définitive d’indemnisation de la victime doit être présentée dans le délai de 8 mois à compter de la survenance de l’accident de la route.
En cas de non consolidation de l’état de santé de la victime, l’assureur doit alors lui présenter une offre provisionnelle dans les 3 mois de l’accident.
Est alors allouée à la victime une somme à titre de provision à valoir sur l’indemnisation de ses préjudices.
Cette provision se déduit ensuite des sommes qui reviendront à la victime à titre définitif.
Lorsque l’assureur est informé de la consolidation de l’état de santé de la victime (ce qui arrive le plus souvent après l’expertise médicale de la victime, lorsque l’expert a déposé son rapport d’expertise), il dispose alors d’un délai de 5 mois pour présenter son offre définitive d’indemnisation.
Si la victime de l’accident est décédée, l’assureur est tenu de présenter à ses ayants droit une offre définitive d’indemnisation dans les 8 mois de l’accident.
3) Que doit contenir l’offre ?
L’offre d’indemnisation, qu’elle soit provisionnelle ou définitive, doit porter sur tous les postes de préjudice indemnisables (Voir notamment Cass. 2ème Civ. 15 mars 2001 et Cass. 2ème Civ. 12 mai 2011).
L’offre doit donc être complète.
Une offre complète doit être présentée même en cas de contestation, par la compagnie d’assurance, du droit à indemnisation de la victime (Voir notamment Cass. 2ème Civ. 1er avril 1999 et – Cass. 2ème Civ. 26 novembre 2020).
Le versement d’allocations provisionnelles qui ne comportent pas d’offre sur les éléments indemnisables ne répond pas à cette condition (Voir notamment Cass. Crim. 13 décembre 2011 et Cass. Crim. 20 novembre 2018).
4) Quelle est la sanction en cas d’absence d’offre ?
L’article 12 de la Loi Badinter et l’article L.211-9 du Code des assurances prévoient que lorsque l’offre n’a pas été faite dans les délais impartis, le montant de l’indemnité offerte par l’assureur ou allouée par le Juge à la victime produit intérêts de plein droit au double de l’intérêt légal à compter de l’expiration du délai et jusqu’au jour de l’offre ou du jugement devenu définitif.
En l’absence d’offre définitive conforme aux textes ci-dessus rappelés, la pénalité du doublement des intérêts s’applique à compter de l’expiration du délai imparti à l’assureur pour faire une offre jusqu’au jour du jugement devenu définitif et a pour assiette le montant de l’indemnité allouée par le juge avant imputation des créances des tiers payeurs et déduction des provisions versées (Voir notamment Cass. 2ème Civ. 25 février 2010 et Cass. 2ème Civ. 10 juin 1999).
L’obligation de faire une offre qui pèse sur l’assureur concerne l’offre définitive, dans les 5 mois de l’information de la date de consolidation mais également l’offre provisionnelle, dans les 8 mois de l’accident (Voir notamment Cass. 2ème Civ. 20 mai 2020 et Cass. 2ème Civ. 20 janvier 2022).
Une offre incomplète est assimilée à une absence d’offre.
Une offre manifestement insuffisante est également assimilée à une absence d’offre.
Cela signifie que si l’assureur présente une offre tardive, incomplète ou insuffisante, le doublement des intérêts est dû à compter du 8ème mois de l’accident s’agissant de l’offre provisionnelle, ou du 5ème mois de la connaissance de la consolidation de l’état de santé de la victime par l’assureur s’agissant de l’offre définitive.
La date d’arrêt de la pénalité est soit la date de l’offre complète et suffisante présentée par l’assureur ou, à défaut, la date à laquelle le jugement devient définitif.
Notons qu’il peut y avoir une succession d’offres faites directement par l’assureur à la victime puis, ensuite, contenues dans des écritures.
Dans ce cas, le Juge doit examiner les offres successives et vérifier si elles étaient complètes et suffisantes pour arrêter la pénalité, si l’une des offres est reconnue valide (Voir notamment Cass. Crim. 05 janvier 2021).
5) Quel est l’apport des décisions rendues par la Cour de cassation ?
Dans son arrêt du 30 mai 2024, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a rappelé que la majoration des intérêts doit porter, en cas d’offre manifestement insuffisante, sur la totalité des indemnités allouées par la juridiction, avant imputation de la créance des organismes sociaux et avant déduction des provisions déjà versées.
Dans son arrêt du 18 juin 2024, la chambre criminelle de la Haute juridiction a rappelé que la majoration des intérêts doit porter sur la totalité de la somme offerte par l’assureur et non sur le solde restant dû après imputation de la créance des tiers payeurs et déduction des provisions déjà versées, confirmant donc la position adoptée quelques jours plus tôt par la deuxième chambre civile.
Ces deux décisions rappellent que l’assiette de la pénalité doit inclure les provisions versées à la victime et également la créance de la caisse de sécurité sociale, c’est-à-dire toutes les sommes allouées à la victime ou payées pour son compte par l’organisme dans les suites de l’accident.
Enfin, dans son arrêt en date du 20 juin 2024, la Cour de cassation précise que la sanction est encourue par l’assureur à compter du 5ème mois à partir du jour où il a eu connaissance de la date de consolidation de l’état de santé de la victime.
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Les règles relatives à l’offre d’indemnisation que doit recevoir la victime suite à un accident de la route sont désormais claires et appliquées avec constance par la jurisprudence.
Pour autant, certaines compagnies d’assurance continuent de les méconnaître, a fortiori lorsque la victime se retrouve seule face à la compagnie d’assurance.
Et pour cause ! Compte tenu des taux d’intérêts actuels, la pénalité du doublement du taux de l’intérêt légal représente parfois des sommes très importantes.
Vous l’aurez compris, en cas d’accident de la route, il est de l’intérêt des victimes de se faire assister dès que possible par un avocat intervenant en droit de la réparation du préjudice corporel.
L’expérience démontre que plus la prise en charge indemnitaire par un avocat est rapide, meilleures sont les chances que les préjudices des victimes fassent l’objet d’une réparation juste et intégrale.
N’hésitez pas à contacter Maître Bourdet afin de lui exposer la situation dans laquelle vous vous trouvez ou la difficulté à laquelle vous êtes confronté.