Par un arrêt en date du 10 novembre 2021 (lien ici), la Cour de cassation précise que la tierce personne temporaire dont a besoin une victime pendant les phases d’hospitalisation peut être indemnisée.
1) Quels sont les faits de l’espèce ?
Le 19 juillet 2018, un homme a été victime d’un accident de la route, alors qu’il était le passager transporté d’un véhicule assuré auprès de la compagnie GROUPAMA.
Sérieusement blessé, cet homme a longuement été hospitalisé au sein de la Fondation Hopale de la commune de BERCK (62) ; période au cours de laquelle il bénéficiait d’autorisation de sorties les fins de semaines.
Pendant ces périodes de retours à domicile, la victime a sollicité l’indemnisation de l’ « assistance tierce personne » fournie par ses parents ; assistance qu’il estimait caractérisée par la perte d’autonomie dont il souffrait alors.
Par ailleurs, il a également sollicité une indemnisation complémentaire au titre de l’aide humaine pendant sa période d’hospitalisation pour :
- Faire garder ses enfants pendant les périodes au cours desquelles il aurait dû exercer ses droits de visite et d’hébergement ;
- Avoir accès à son courrier ;
- S’occuper de son linge personnel ;
- Effectuer les démarches administratives qu’il n’était pas en mesure d’accomplir seul.
2) Quel a été le parcours procédural de l’affaire ?
La victime a assigné le conducteur du véhicule ainsi que son assureur afin d’obtenir l’indemnisation de ses préjudices.
La décision de la Cour de cassation n’apporte pas de précisions sur les débats intervenus en première journée.
En revanche, elle précise que la Cour d’appel de VERSAILLES a rejeté, aux termes d’un arrêt en date du 08 novembre 2018, la demande indemnitaire que la victime avait formulée au titre de l’aide humaine, pendant les périodes d’hospitalisation.
En effet, la Cour d’appel de VERSAILLES estimait, non seulement que le principe des fins de semaines passées à domicile n’était pas établi, mais encore que l’indemnisation réclamée au titre de l’aide humaine pour « les besoins supplémentaires » constitués par la garde de ses enfants, l’accès à son courrier, la gestion de son linge et l’accomplissement de démarches administratives « déborderaient le préjudice strictement personnel qu’il a subi ».
Mécontente de cette décision, la victime a alors formé un pourvoi en cassation.
3) Quel problème juridique était soumis à la Cour de cassation ?
Par la problématique qui lui était soumise, la Cour de cassation était amenée à préciser le périmètre de l’indemnisation du préjudice lié à l’assistance de la victime par une tierce personne.
Cette assistance par une tierce personne doit-elle être limitée aux seuls besoins vitaux de la victime ou, au contraire, doit-elle être étendue aux conséquences plus générales obligeant la victime à recourir à un tiers pour l’assister dans l’ensemble des actes de la vie quotidienne, en raison des sa perte d’autonomie ?
4) Qu’est-ce que l’assistance par une tierce personne ?
Il s’agit d’un poste de préjudice qui vise à indemniser le besoin de la victime, du fait du handicap, d’être assistée par une tierce-personne.
Il s’agit donc d’indemniser l’aide humaine dont a besoin la victime en raison de la perte ou de la diminution de sa fonctionnalité due à l’évènement traumatique qu’elle a subi (accident de la route, erreur médicale, agression, accident de la vie, accident de sport, etc.).
C’est le rapport d’expertise médicale qui doit déterminer avec précision la nature du besoin (aide au ménage, aux courses, aux actes de la vie courante, surveillance nocturne, etc.), sa fréquence ainsi que la qualité de la tierce personne qui peut être un professionnel spécialisé (infirmière, kinésithérapeute, etc.).
L’aide humaine peut également être apportée par les proches de la victime, même à titre gratuit, sans que cela n’ait d’incidence sur le principe ou le montant de l’indemnisation de ce poste de préjudice.
Ce poste de préjudice peut être « définitif » lorsqu’il est caractérisé pour la période postérieure à la consolidation de l’état de santé de la victime et/ou « temporaire », pendant la période antérieure à cette consolidation (auquel cas, il sera indemnisé au titre du poste de préjudice « Frais divers »).
5) Quelle est la solution retenue par la Cour de cassation ?
Au visa de l’article 1240 du Code civil et du principe de la réparation intégrale du préjudice, sans perte ni profit pour la victime, la Cour de cassation vient censurer la Cour d’appel de VERSAILLES.
La Cour de cassation affirme que « le poste de préjudice lié à l’assistance par une tierce personne ne se limite pas aux seuls besoins vitaux de la victime, mais indemnise sa perte d’autonomie la mettant dans l’obligation de recourir à un tiers pour l’assister dans l’ensemble des actes de la vie quotidienne ».
La position prise par la Cour de cassation est, à notre sens, extrêmement opportune.
Sa décision permet d’étendre, aux périodes d’hospitalisation, l’aide humaine pour certains actes de la vie quotidienne pour lesquels la victime, qui n’est pas en mesure de les effectuer elle-même, a un réel besoin d’assistance.
Il n’est en effet pas contestable qu’au-delà des besoins vitaux, la perte d’autonomie d’une victime peut l’empêcher d’assurer elle-même certains tâches ou activités qu’elle assumait avant l’évènement traumatique et ce, que ce soit dans sa vie personnelle, familiale, sociale ou professionnelle.
Rappelons que le poste de préjudice « assistance par tierce personne » implique souvent des enjeux financiers très importants qui nécessitent d’être extrêmement vigilant lorsqu’il est déterminé dans le cadre de l’expertise médicale.
A ce titre, l’assistance de la victime, pendant le processus indemnitaire, par un médecin-conseil et par un avocat rompu au droit de la réparation du préjudice corporel, est primordiale.
N’hésitez pas à contacter Maître Bourdet afin de lui exposer la situation dans laquelle vous vous trouvez ou la difficulté à laquelle vous êtes confronté.