L’assistance par une tierce personne doit permettre à la victime non seulement de suppléer sa perte d’autonomie mais également de restaurer sa dignité (Cass. Civ 2ème, 23 mai 2019)

Par un arrêt du 23 mai 2019 (lien ici), la Cour de cassation rappelle que l’indemnisation au titre de l’assistance par une tierce personne doit permettre à la victime de suppléer sa perte d’autonomie tout en restaurant sa dignité, et ne doit donc pas être limitée à l’aide à l’accomplissement de certains actes de la vie courante les plus essentiels.

Il s’agit d’une application du principe de réparation intégrale des préjudices sans perte ni profit pour la victime.

Selon la Nomenclature Dintilhac, parmi les postes de préjudices dont la victime est fondée à demander réparation suite à l’événement traumatique qu’elle a subi, figurent les dépenses générées par l’assistance, temporaire ou permanente, par une tierce personne, à savoir l’indemnisation du coût de la présence nécessaire à ses côtés d’une personne pour l’assister dans les actes de sa vie quotidienne, pour suppléer sa perte d’autonomie ou la diminution de ses faculté fonctionnelles, du jour de l’accident jusqu’à la consolidation (au titre des « frais divers »), puis postérieurement à la consolidation (assistance par une tierce personne proprement dite).

Mais où s’arrête le besoin d’assistance par une tierce personne ?

Doit-il se limiter aux besoins nécessaires et élémentaires de la vie courante, comme se nourrir, se laver, se vêtir, entretenir son logement, ou, dans une acception plus large, s’étendre à toutes les activités d’ordre social, administratif, de loisir ou d’agrément inhérentes à une vie normale et épanouie ?

C’est en l’espèce la question qui était posée à la Cour de cassation, dont la jurisprudence reposait jusque-là, sur des formulations générales, plutôt restrictives, énonçant par exemple que l’assistance par une tierce personne relevait de « l’aide apportée à la victime dans l’accomplissement des actes ordinaires de la vie courante » (Cass. Crim. 27 octobre 2015, n° 14-86697).

En l’espèce, le conducteur d’un véhicule automobile avait heurté un motard, le blessant grièvement et lui occasionnant des séquelles importantes le plaçant en situation de handicap.

Suite à cet accident de la route, la victime et ses parents ont assigné l’assureur du véhicule en indemnisation de leurs préjudices, parmi lesquels figurait l’assistance par une tierce personne.

La Cour d’appel de POITIERS a estimé, dans un arrêt rendu le 20 mars 2018, que l’assistance par une tierce personne devait s’entendre comme l’aide requise pour l’accomplissement de « certains actes essentiels de la vie courante ».

Pour liquider ce poste de préjudice, la Cour d’appel s’était contentée d’entériner le volume horaire retenu par le rapport de l’expert judiciaire sans prendre en considération un rapport complémentaire établi, à la demande de la victime, par un ergothérapeute, qui listait et détaillait la nécessité pour cette dernière, de recourir à l’assistance d’un tiers dans l’accomplissement d’acte et activités de la vie quotidienne non limités aux seuls actes essentiels de la vie courante.

La victime a jugé que définition de la tierce personne retenue par la Cour d’appel était trop restrictive et s’est pourvue en cassation.

Elle a notamment souligné que l’assistance par une tierce personne « ne pouvait se limiter à la seule satisfaction des besoins vitaux, seule prise en considération par l’expert judiciaire, mais devait également prendre en compte le temps nécessaire à l’accomplissement des tâches de gestion administrative du foyer, des activités sociales et de loisirs, ainsi qu’aux déplacements en vacances que suppose l’accomplissement d’une vie normale et digne ».

Aux termes de la décision rendue le 23 mai 2019, la Cour de cassation rejette le pourvoi formé par la victime.

Si la haute juridiction ne remet pas en cause le montant de l’indemnisation allouée par l’arrêt selon l’appréciation souveraine des juges du fond, regrette toutefois « une maladresse d’expression » de la part de la Cour d’appel en précisant que l’assistance par une tierce personne doit apporter à la victime « l’aide lui permettant de suppléer sa perte d’autonomie tout en restaurant sa dignité », et que son indemnisation ne doit pas être limitée « à l’impossibilité d’accomplir certains seulement des actes de la vie courante ».

Une définition élargie de la notion de perte d’autonomie incluant la restauration de la victime dans sa dignité semble donc voir le jour.

L’assistance par une tierce personne pourrait donc désormais être appréhendée au delà des besoins primaires fonctionnels d’un être humain, analysés médicalement,  mais également sous l’angle de sa vie sociale, sportive, culturelle, et plus généralement, sous l’angle de l’épanouissement personnel.

Ainsi, toute victime pourrait alors lister de manière exhaustive les activités, de quelque ordre qu’elles soient, auxquelles elle ne peut plus prétendre sans assistance, afin de permettre aux juges d’évaluer précisément le coût de l’assistance à intervenir.

Reste à attendre un arrêt de principe de la Cour de cassation qui entérinerait cette définition.

Rappelons que la sauvegarde de la dignité de la personne humaine est un principe constitutionnel (décision du Conseil constitutionnel n° 94-343/344 DC du 27 juillet 1994) ainsi qu’une composante de l’ordre public (arrêt du Conseil d’État du 27 octobre 1995, Commune de Morsang-sur-Orge, n° 136727).

En savoir plus :

L’indemnisation des victimes d’accidents de la route

Les postes de préjudices indemnisables

 

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