Aux termes d’un arrêt rendu le 05 janvier 2022 (lien ici) et publié au bulletin, la Cour de cassation énonce clairement que la personne qui prête bénévolement son concours à une autre tout en commettant une faute d’imprudence engendrant un préjudice à cette dernière, peut voir sa responsabilité engagée.
1) Quels sont les faits de l’espèce ?
Les faits sont assez classiques en la matière puisque le litige commence par une personne qui apporte son aide à une autre dans le cadre de travaux de rénovation d’une toiture.
Monsieur X procède bénévolement à ces travaux sur la toiture de la maison appartenant à Monsieur Y.
Un incendie se déclare et occasionne d’importants dégâts.
Après avoir indemnisé Monsieur X, son assureur, la compagnie BPCE, assigne la compagnie MATMUT, assureur de Monsieur Y en remboursement des travaux de réparation.
La Compagnie BCPE estimait en effet que l’incendie avait été causé par une imprudence commise par Monsieur Y à l’occasion de l’utilisation d’une lampe à souder.
Il est à noter que Monsieur X, qui a reçu l’aide bénévole de Monsieur Y, est intervenu volontairement à l’instance pour réclamer des dommages et intérêts.
2) Quel a été le parcours procédural de l’affaire ?
La Cour d’appel de ROUEN, par un arrêt du 29 juin 2020, a retenu que la responsabilité de l’assistant bénévole (Monsieur X) doit s’apprécier « au regard de la commune intention des parties qui exclut qu’en présence d’une convention d’assistance bénévole, l’assistant réponde des conséquences d’une simple imprudence ayant causé des dommages aux biens de l’assisté qui était tenu de garantir sa propre sécurité, celle de ses biens et celle de la personne à laquelle il a fait appel ».
Autrement dit, la Cour d’appel de ROUEN estimait qu’en présence d’une convention d’assistance bénévole, la simple faute d’imprudence de l’assistant était insuffisante pour engager la responsabilité de ce dernier.
Mécontent de cette décision, la compagnie BPCE et Monsieur Y se sont pourvus en cassation.
3) Quel problème juridique était soumis à la Cour de cassation ?
Il était demandé à la Cour de Cassation si, en présence d’une convention d’assistance bénévole, la faute d’imprudence commise par l’assistant et ayant occasionné des dommages à l’assisté, était de nature à engager sa responsabilité.
4) Qu’est-ce qu’une convention d’assistance bénévole ?
La convention d’assistance bénévole est caractérisée par l’aide apportée spontanément et gratuitement par une personne à une autre.
Il s’agit donc de relations de bienveillance ou de courtoisie entre des personnes qui se rendent un service ou se prodiguent une aide sans contrepartie pécuniaire.
L’assistant accomplit un acte personnel, spontané et charitable au profit de l’assisté.
La notion recouvre des hypothèses diverses et variées (acte de sauvetage, services rendus entre amis ou entre voisins, entraide familiale, etc.).
D’un point de vue juridique, cet acte d’altruisme a suscité des débats pendant longtemps tant en ce qui concerne son fondement que son régime.
La problématique résidait dans le fait que cette aide apportée bénévolement par l’assistant pouvait lui occasionner des dommages matériels ou des préjudices corporels parfois graves, voire mortels.
La question se posait alors de savoir si l’assistant bénévole ayant agi de son propre chef et à ses risques et périls, devait supporter les conséquences dommageables de son acte.
Progressivement, la jurisprudence a admis que l’équité impliquait de mettre à la charge de l’assisté qui reçoit l’aide bénévole, une obligation de réparer le préjudice subi par celui dont l’intervention n’avait été motivée que par un élan de générosité.
Mais qu’en est-il lorsque c’est l’assisté qui, à l’occasion de l’aide bénévole apportée par l’assistant, subit un préjudice par la « faute » de ce dernier ? Existe-t-il la même obligation à réparation ?
L’arrêt rendu le 05 janvier 2022 par la Cour de cassation apporte des précisions à cette question.
5) Quelle est la solution retenue par la Cour de cassation ?
L’article 1240 du Code civil (anciennement 1382) précise que « Tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ».
Ce principe de la responsabilité délictuelle se trouve, au cas présent, identiquement posé en matière contractuelle.
Au visa de l’article 1147 du Code civil (pris dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016), la Cour de cassation vient censurer la Cour d’appel de ROUEN aux termes d’un attendu qui a le mérite de la clarté :
« En présence d’une convention d’assistance bénévole, toute faute de l’assistant, fût-elle d’imprudence, ayant causé un dommage à l’assisté est susceptible d’engager la responsabilité de l’assistant ».
De fait, le caractère bénévole d’un « coup de main », fût-il louable et animé de bons sentiments, est insuffisant pour exonérer son auteur si son action cause un préjudice au bénéficiaire de cette aide.
Ce dernier pourra alors engager la responsabilité de l’âme charitable afin d’obtenir l’indemnisation de ces préjudices qu’ils soient matériels ou corporels.
Ne dit-on pas que l’enfer est pavé de bonnes intentions ?
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