L’arrêt rendu le 26 janvier 2016 par la chambre sociale de la Cour de cassation (n° 14-15360) interdit aux employeurs de se prévaloir de courriels émanant de la messagerie personnelle du salarié quand bien même ces derniers se trouveraient sur l’ordinateur professionnel de celui-ci.
En l’espèce, la société EGBG avait engagé, le 21 février 2006, Madame X, en qualité d’assistante administrative et commerciale. Le 17 novembre 2011, Madame X a pris acte de la rupture de son contrat de travail et a saisi la juridiction prud’homale aux fins de voir requalifier celle-ci en licenciement sans cause réelle et sérieuse. Au soutien de la défense de ses intérêts, la société EGBG avait versé aux débats une pièce (numéro 22) qui était un échange de courriels provenant de la messagerie personnelle de sa salariée.
Par un arrêt en date du 18 février 2014, la Cour d’appel de BORDEAUX avait écarté cette pièce des débats au nom du principe du secret des correspondances. L’employeur a donc formé un pourvoi en cassation estimant, en substance sur cette question, que le fait que cet échange de courriels se trouvait sur l’ordinateur professionnel de sa salariée et qu’il n’avait pas été « identifié » par Madame X comme étant « personnel » lui permettait de s’en prévaloir dans le cadre du litige.
La Cour de cassation a fort logiquement rejeté cette argumentation estimant « (…) qu’ayant constaté que les messages électroniques litigieux provenaient de la messagerie personnelle de la salariée distincte de la messagerie professionnelle dont celle-ci disposait pour les besoins de son activité, la cour d’appel en a exactement déduit que ces messages électroniques devaient être écartés des débats en ce que leur production en justice portait atteinte au secret des correspondances (…).
L’utilisation accrue des nouvelles technologies dans un cadre professionnel amenuise la frontière entre vie personnelle et vie professionnelle et occasionne de nombreux contentieux.
La Haute Juridiction poursuit ainsi la construction de sa jurisprudence et apporte des précisions sur les contours de la protection qu’il convient d’accorder à la messagerie du salarié dans le cadre du travail.
Il y a presque un an, la Cour de cassation avait autorisé les employeurs à consulter et à se prévaloir des sms à caractère professionnel envoyés ou reçus par leurs salariés à l’aide des téléphones portables professionnels mis à leur disposition (Cass. Com. 10 février 2015, n° 13-14779).
Cette décision n’était pas surprenante dans la mesure où elle ne faisait que confirmer, pour ce qui concerne les SMS, une jurisprudence déjà établie et applicable en matière de mails (Cass. Soc. 15 décembre 2010, n° 08-42486 ; Cass. Soc. 26 juin 2012, n° 11-14022, Cass. Soc. 16 mai 2013, n° 12-11866).
L’employeur peut donc consulter, hors la présence de l’intéressé, tous les mails (ou sms) qui n’ont pas été identifiés comme étant « personnels » et ce, que l’employeur ait autorisé ou non l’utilisation de l’outil informatique mis à la disposition du salarié à des fins personnelles.
En conséquence, nous préconisions, en ce qui concerne les courriels ou les SMS, que le salarié prenne le soin d’identifier (ou de faire identifier par son correspondant) comme tels, les messages personnels, envoyés ou reçus à l’aide des outils de communication mis à sa disposition par l’employeur.
Cela implique, en pratique, de faire apparaître la mention « personnel », « perso » ou encore « privé » dans le champ « objet » du mail, et/ou d’inscrire cette mention dès les premiers mots du SMS pour éviter que la conversation puisse être considérée comme professionnelle et de fait, susceptible d’être vue et utilisée par l’employeur.
Par son arrêt du 26 janvier 2016, la Cour de cassation dispense de telles précautions dès lors que la messagerie utilisée est personnelle, confirmant ainsi une jurisprudence antérieure (Cass. Com. 16 avril 2013, n° 12-15657).
Le fait pour un salarié de consulter sa messagerie personnelle sur ses lieu et temps de travail et de laisser des traces des courriels issus de cette messagerie personnelle sur le disque dur de son ordinateur professionnel n’autorise pas pour autant l’employeur à les consulter et encore moins à s’en prévaloir.
En d’autres termes, les courriels émanant d’une messagerie personnelle sont présumés avoir un caractère personnel et privé et bénéficient nécessairement de la protection du secret des correspondances.
Attention toutefois, une récente décision de la Cour de cassation (Cass. Soc. 1er décembre 2015, n° 14-17701) a approuvé le licenciement pour faute grave de la part d’un salarié qui avait échangé des courriels avec une subordonnée sur une messagerie privée dans la mesure où, d’après la Haute juridiction, l’attitude de l’intéressé dénotait « une confusion entretenue entre les sphères privée et professionnelle (…) et un rapport de domination culpabilisant et humiliant envers une salariée présentant un état psychologique fragile ».
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