Par un arrêt en date du 11 février 2021 (lien ici), publié au bulletin, la deuxième Chambre civile de la Cour de cassation admet la possibilité pour un enfant conçu (mais non encore né) au moment du fait générateur présentant le caractère matériel d’une infraction (en l’espèce le meurtre de son grand-père), d’obtenir la réparation de son préjudice d’affection, résultant de ce décès.
La décision du 11 février 2021 s’inscrit dans le cadre d’une jurisprudence relativement récente relative à la question de la réparation du préjudice moral de l’enfant conçu avant la survenue d’un évènement traumatique dont un membre de sa famille est victime.
En effet, préalablement à l’arrêt qui nous occupe, la Haute juridiction avait déjà rendu 2 décisions venant consacrer la possibilité, pour un enfant simplement conçu mais non encore né lors de la survenance du fait générateur de responsabilité (accident de la route, erreur médicale, agression, accident de la vie, accident de sport, etc…), d’obtenir la réparation de son préjudice d’affection (Cass. Civ. 2ème, 14 décembre 2017, n° 16-26.687 et Cass. Crim. 10 novembre 2020, n° 19-87.136).
Dans notre espèce, un homme avait été victime d’un meurtre par arme blanche.
La fille de la victime, enceinte au moment des faits, avait, postérieurement à son accouchement, saisi la Commission d’Indemnisation des Victimes d’Infractions (CIVI), sur le fondement des dispositions de l’article 706-3 du Code de procédure pénale, d’une demande de réparation du préjudice d’affection subi par son enfant, du fait du décès de son grand-père.
La Cour d’appel de BORDEAUX, par un arrêt du 16 mai 2019, avait accueilli favorablement la demande qui lui était soumise.
Le Fonds de garantie des victimes d’actes de terrorisme et d’autres infractions s’est alors pourvu en cassation estimant d’une part qu’il n’existait pas de lien de causalité entre le décès de la victime et le préjudice moral invoqué par l’enfant (puisque non encore né au moment du fait générateur) et, d’autre part, que la preuve du préjudice d’affection n’était pas rapportée puisque l’enfant n’avait jamais connu son grand-père.
La Cour de cassation balaye l’argumentation du Fonds de garantie estimant, en premier lieu, que « l’enfant qui était conçu au moment du décès de la victime directe de faits présentant le caractère matériel d’une infraction peut demander réparation du préjudice que lui cause ce décès » et précisant, en second lieu, que cet enfant « souffrait nécessairement » de l’absence définitive de son grand-père sans qu’il soit nécessaire pour lui d’avoir à justifier qu’il « aurait entretenu des liens particuliers d’affection avec lui » s’il l’avait connu.
Cet arrêt s’inscrit dans le droit fil d’une « politique » indemnitaire très favorable aux victimes.
Non seulement la Cour de cassation admet l’existence de la créance de réparation de l’enfant à naître (que ce soit au titre du lien enfant/parent ou, désormais, du lien enfant/grand-parent) mais, de surcroît, la Haute juridiction semble reconnaître que le fait de ne pas avoir pu nouer des liens affectifs avec un membre de sa famille constitue, à lui seul, un chef de préjudice.
Il faut y voir une volonté de la Cour de cassation d’élargir le nombre de victimes susceptibles de pouvoir bénéficier d’une indemnisation, ce dont nous ne pouvons que nous féliciter.
Attention toutefois : ce droit n’est reconnu qu’aux enfants conçus avant que l’évènement traumatique ne se produise et non après ; la Haute juridiction considérant qu’un enfant non conçu ne peut subir de conséquences résultant d’un fait dommageable (Voir notamment en ce sens : Cass. 2ème Civ., 03 mars 2011, n° 10-16.284).
N’hésitez pas à contacter Maître Bourdet afin de lui exposer la situation dans laquelle vous vous trouvez ou la difficulté à laquelle vous êtes confronté.