Par une décision rendue le 19 mai 2016, la 2ème chambre civile de la Cour de cassation a rappelé le principe selon lequel « le droit de la victime à obtenir l’indemnisation de son préjudice corporel ne saurait être réduit en raison d’une prédisposition pathologique lorsque l’affection qui en est issue n’a été provoquée ou révélée que par le fait dommageable » (Cass. 2ème Civ. 19 mai 2016, n° 15-18784).
Les circonstances de l’espèce sont très classiques : Une personne, victime d’un accident de la circulation, a assigné l’assureur du conducteur responsable en réparation de ses préjudices.
Parmi les postes de préjudice dont elle demandait l’indemnisation, la victime sollicitait une indemnité au titre de la perte de gains professionnels futurs.
Une expertise médicale de la victime a été réalisée et a notamment révélé « un état structurel antérieur » et plus précisément « une structure de type psychasthénique (dépendance affective, insatisfaction, besoin de prouver ses capacité, etc.) » qui existait avant l’accident.
L’expert psychiatre en a conclu que la victime ne souffrait pas d’une « vraie névrose traumatique mais de décompensation d’un état de fragilité constitutionnelle antérieure ».
Par un arrêt en date du 25 mars 2015, la Cour d’appel de POITIERS avait, sur ce point, limité à 50.000 € l’indemnité réparant la perte de gains professionnels futurs estimant que le lien de causalité entre l’accident et la perte de revenus n’était que partiel.
Pour justifier sa position, la Cour d’appel avait estimé que si l’accident avait bien eu un effet de décompensation, l’expertise avait révélé un état structurel antérieur dont la compagnie d’assurance n’avait pas à indemniser les incidences.
Au visa du principe de réparation intégrale, sans perte ni profit pour la victime, la Cour de cassation a censuré le raisonnement suivi par la Cour d’appel de POITIERS estimant qu’il importe peu qu’un état de santé antérieur ou une prédisposition pathologique ait pu favoriser ou contribuer à l’aggravation de préjudices.
La Haute juridiction considère en effet que le droit à réparation de la victime ne saurait être réduit en raison de prédispositions pathologiques lorsque les effets néfastes de ces prédispositions n’ont été révélés ou provoqués qu’en raison du fait dommageable lui-même (en l’espèce l’accident de la route).
La décision rendue le 19 mai 2016 par la Cour de cassation s’inscrit dans le droit fil d’une jurisprudence constante (Crim. 11 janvier 2011, n° 10-81716, Civ. 2ème, 28 juin 2012, n° 11-18720).
En l’espèce, s’il est indéniable que la victime présentait, avant l’accident, un état de fragilité, celui-ci n’avait aucune incidence, notamment dans le cadre de l’exercice de son activité professionnelle.
Tant que les prédispositions ne sont que latentes et non dommageables, elles n’ont aucune influence sur le droit à réparation.
Les divers symptômes ne s’étant manifestés qu’à partir de l’accident de la circulation en cause (et donc à cause dudit accident), l’assureur du conducteur responsable devait en assurer l’indemnisation.