Dans un arrêt du 13 septembre 2018 (lien ici) relatif à l’indemnisation d’un préjudice professionnel, la Cour de cassation rappelle les contours du principe du principe de réparation intégrale des préjudices subis par la victime d’un évènement traumatique (accident de la route, accident sportif, accident de la vie courante, agression, erreur médicale, etc.).
Cette décision s’inscrit dans la droite ligne du principe d’une jurisprudence constante selon laquelle « le propre de la responsabilité civile est de rétablir aussi exactement que possible l’équilibre détruit par le dommage, et de replacer la victime dans la situation où elle se serait trouvée si l’acte dommageable ne s’était pas produit » (Arrêt de la 2ème Chambre civile de la Cour de cassation du 28 octobre 1954).
Le principe de réparation intégrale des préjudices implique donc que l’indemnisation des préjudices d’une victime, n’entraîne pour elle, ni appauvrissement, ni enrichissement.
Dans l’hypothèse où, suite à l’évènement traumatique, la victime ne pourra plus jamais exercer d’activité professionnelle celle-ci est fondée à obtenir la réparation de ses pertes de gains professionnels futurs, c’est-à-dire la perte de revenus consécutive à l’incapacité de travailler, calculée en fonction des revenus antérieurs de la victime.
Mais cette victime, placée dans cette situation de ne plus pouvoir travailler, peut-elle, en plus, prétendre à être indemnisée de l’incidence professionnelle à savoir, selon les termes de la nomenclature DINTILHAC, à la réparation des « incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle comme le préjudice subi par la victime en raison de sa dévalorisation sur le marché du travail, de sa perte d’une chance professionnelle ou de l’augmentation de la pénibilité de l’emploi qu’elle occupe imputable au dommage ou encore du préjudice subi qui a trait à la nécessité de devoir abandonner la profession qu’elle exerçait avant le fait dommageable au profit d’une autre qu’elle a dû choisir en raison de la survenance de son handicap » ?
Autrement dit, la victime placée dans l’incapacité de travailler peut-elle solliciter l’indemnisation d’un préjudice professionnel autre que sa stricte perte de revenus ?
C’est la question qui a été posée à la Cour de cassation dans l’espèce dont il s’agit.
Aux termes d’une décision rendue le 13 septembre 2018, la Cour de cassation retient que l’indemnisation de la perte des gains professionnels futurs (sur la base d’une rente viagère) d’une victime privée de toute activité professionnelle pour l’avenir, fait obstacle à une indemnisation supplémentaire au titre de l’incidence professionnelle.
En l’espèce, suite à un accident de la circulation, la victime ne pouvait plus envisager d’exercer ou de reprendre une activité professionnelle.
Parmi les postes de préjudice dont elle sollicitait l’indemnisation, figurait une demande au titre des pertes de gains professionnels futurs, mais aussi une demande au titre de l’incidence professionnelle.
La Cour d’appel de GRENOBLE a retenu l’existence de ces deux postes de préjudice et a octroyé à la victime la somme de 720.149,37 € au titre de la perte de gains professionnels futurs et celle de 10.000 € au titre de l’incidence professionnelle.
L’assureur condamné s’est alors pourvu en cassation, reprochant à la Cour d’appel d’avoir retenu cumulativement les deux postes de préjudices tout en constatant que la victime ne pourrait jamais plus reprendre une activité professionnelle, alors que l’incidence professionnelle répare, notamment, la dévalorisation sur le marché du travail, la pénibilité accrue de l’exercice d’une activité professionnelle, ou encore le préjudice lié à l’abandon de l’activité professionnelle pour en adopter une autre, dans le cadre donc, et seulement, de la possibilité d’une reprise d’activité professionnelle, ce qui n’était pas le cas en l’espèce.
Il s’agissait donc pour la Cour de cassation de se prononcer sur le point de savoir si la perte de gains professionnels futurs et l’incidence professionnelle pouvaient être cumulativement indemnisés en cas d’incapacité totale de la victime de pouvoir exercer toute activité professionnelle pour l’avenir.
La Cour de cassation a fait droit au pourvoi de l’assureur et cassé l’arrêt de la Cour d’appel de GRENOBLE en estimant que « l’indemnisation de la perte de ses gains professionnels futurs sur la base d’une rente viagère d’une victime privée de toute activité professionnelle pour l’avenir fait obstacle à une indemnisation supplémentaire au titre de l’incidence professionnelle ».
L’incidence professionnelle ne peut donc pas être indemnisée en plus des pertes de gains professionnels futurs dès lors que la victime ne pourra plus jamais retravailler.
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